M A R T O T – Un peu d’Histoire
Charpillon L.-E., Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys : Delcroix, 1868, 960 p., t. II, p. 512-514.
Paroisse des Dioc. d’Evreux. – Doy. de Louviers. – Vic. et Elec. de Pont-de-l’Arche. – Parl. Et Gén. de Rouen.
La paroisse a été dédiée sous le vocable de St-Aignan, on a découvert à Martot, un cimetière mérovingien, dont M. l’abbé Cochet a parlé.
Vers 1060, Ascelin, fils de Roger, donna au Bec, avec l’agrément de Hugues du Martot, son suzerain, ce,qu’il avait sur Martot. Roger, fils d’Helgard, avait donné auparavant à l’abbaye du Bec, une grande quantité de terre autour de Breteuil, avec la forêt qu’Yves Le Clerc, tenait de la donation de Guillaume, Fitz Osbern, lorsque son fils avait pris l’habit religieux.
Henri, roi d’Angleterre, permet aux moines du Bec de prendre dans ses forêts de Rouvray net de Bord, le bois nécessaire à la construction, réparation et chauffage de leur manoir de Martot.
En 1180, Adam de Martot paya 20 S. pour un accord à Guillaume De Malpalu, fermier du Roumois, ce même Adam de Martot attesta en 1184, que le roi Henri avait pris possession des régales après la mort de Rotrou.
Au mois d’août 1197, Robert de Meulan était à Martot, dans le manoir de l’abbé du Bec, avec l’évêque de Conventry ; deux ans après, Robert de Meulan donna aux religieux du Bec, le passage d’un bateau libre de Pont-de-l’Arche à Martot. Il était en 1209, garde de la paroisse de Rouen, il fut témoin avec son fils du même nom, d’une charte pour St-Amand de Rouen.
Adam de Martot, IIème du nom, fit en 1232, une donation aux moines de Jumiéges.
En 1258, Raoul de Martot étant à Bonport, céda au Bec ses prétentions sur le patronage de Martot.
Nicolas Tronches, vendit en 1264, au cellier du Bec à Martot, une maison dans cette paroisse.
Eudes Rigaud séjournait souvent à Martot ; il y était le 2 novembre 1268, nous pensons qu’il recevait l’hospitalité dans le manoir que les religieux du Bec y possédaient, et qui leur provenait d’une donation de Hugues de Monfort-sur-Risle, au XIème siècle.
Les moines avaient aussi à Martot, un cellier où débarquaient leurs vins, qui venaient de l’Ile-de-France par la Seine.
Le Roi avait également à Martot, une chapelle, où Raoul de Chevrier célébra l’ordination en 1268.
En 1277, le forestier de la forêt de Rouvray ayant refusé de livrer du bois pour le manoir de Martot, il y eut un procès qui fut jugé en faveur du Bec.
La même année le bailli de Rouen jugea que le patronage de Martot appartenait à l’abbaye du Bec, à l’encontre des prétentions de Baudoin de Muids.
Pierre de Livarot rendit aveu en 1383, pour le fief de Martot. Il y avait procès en 1389, entre Guillaume de Vienne, archevêque de Rouen, propriétaire de trois moulins à eau sur le pont de Louviers, et Pierre de Livarot, propriétaire des moulins de Bercelou, situé au même lieu.
Pierre de Livarot était en 1400, usufruit du fief de la Londe à Louviers.
En 1408, Guillaume de Livarot était conseiller de ville à Louviers ; le 27 avril 1416, N. H. Guillaume de Livarot donna aveu pour Martot; il avait droit de prendre une poignée d’argent, nommée « la hailesse » sur le panage de la forêt de Bord, sa veuve Théophanie de Villiére, obtint en 1419, ses biens à Vernon.
Guillaume de la Motte fait foi et hommage du fief de Martot en la Vicomté du Pont-de-l’Arche, en 1463, ce même Guillaume de la Motte et Marguerite de Bésu, sa femme, plaidaient en 1498, avec Pierre de Martot demeurant à Louviers.
Lors de la montre de 1470, Jean Costard, seigneur de Martot et de la Victoire, se présenta et fit agréer Pierre Costard, son fils, sieur de St-Léger, en habillement d’armes : on lui enjoignit d’avoir 3 chevaux.
En 1416, Jehan Costard, IIème du nom, était seigneur de Martot, Nicolas Costard, seigneur de Martot, était décédé, laissant pour veuve, Jeanne Agis.
Le 7 février 1585, Nicolas Costard, dit le capitaine Martot, eut la tête tranchée au Grand-Carrefour d’Evreux, Robert Costard fut pendu. Les biens du capitaine Martot (Nicolas Costard) furent donnés à sa sœur, Barbe de Costard, qui rendit aveu, en 1587, pour le fief de Martot.
En 1605, Barbe de Costard, épouse séparée civilement d’avec Guillaume de Beaumets, poursuivait le décret de Berengeville, sur les enfants de Charles de Biville.
L’abbaye du Bec avait probablement vendu son fief, car au XVIème siècle ont voit deux familles prenant à la fois le titre de seigneur de Martot.
Après Barbe de Costard, Nicolas de Lux acheta en 1588, le fief de Martot qu’il vendit la même année, à Jean Le Lieur, notaire et secrétaire du Roi. Antoine Le Lieur, son fils, était, en 1608, seigneur de Ste-Catherine de Bédanes, et du fief et seigneurie de Martot, 8ème de Haubert, lui provenant de son père.
En 1610, Antoine Le Lieur vendit Martot à Jean Cousin, lieutenant des Eaux et Forêts de Pont-de-l’Arche.
Le Lieur : d’or à la croix dentelée de gueules et d’argent cantonnée de 4 têtes de sauvage d’azur.
En 1628, Jean Cousin, était sieur de Martot, par avancement de succession de Jean Cousin, qui l’avait acquis d’Antoine Le Lieur, sieur de Ste-Catherine.
Louis Cousin, Louis Pierre et Louis Cousin IIème du nom, furent successivement seigneurs de Martot, jusque vers 1720.
En 1625, Charles Labbé, fils de Raoul, avait le titre de sieur de la Motte, lorsqu’il entra au parlement, on lui confirma en 1659, les droits de chauffage ci-devant accordés aux précédents propriétaires de Martot ; il mourut en 1676.
Antoine Le Carpentier obtint en 1695, des lettres de provision à l’office de conseiller du roi, maître en la chambre des comptes de Normandie, il épousa en 1714, Marie Anne Pocher des Alleurs, qui était veuve en 1745, lorsqu’elle plaidait avec le sieur d’Auzouville.
Origines du château actuel
C’est en 1734 que fut construit l’actuel château par Nicolas Alexandre Lucas, seigneur de Boucourt. Il appartint ensuite au marquis de Poutrincourt, époux d’Adélaïde de Boucourt, dame châtelaine de Martot.
En 1835, Il devint la propriété de M. Grandin de l’Eprevier, industriel Elbeuvien qui fut maire de Martot de 1843 à 1870, puis conseiller municipal jusqu’en 1892.
Amateur d’art lyrique, il fit bâtir le théâtre de musique où de nombreux artistes furent invités à se produire.
A la veille de la première guerre mondiale, le château est racheté par M. Guillet. Pendant les travaux de restauration, un incendie ravagea totalement la toiture et les combles de l’aile droite.
Pierre Saget en devint propriétaire en 1922 et réalisa alors de nombreuses restaurations (dont le théâtre et les écuries), projetant en outre la construction d’une maison de chasse.
En 1928, il se sépara du domaine, alors racheté par un banquier espagnol. Pendant la seconde guerre mondiale, le château fut occupé par les Allemands.
Acquis par la Caisse d’allocations familiales de la Région parisienne dans les années 1950, le château devint pensionnat pour jeunes filles de 1964 à 1973. Les pensionnaires étaient scolarisés avec leurs camarades du village. Deux classes fonctionnaient au village, deux autres, dans l’annexe actuelle du château.
Acheté par l’hôpital d’Elbeuf en 1977, il accueillit des personnes âgées jusqu’à décembre 1998.
Il devint ensuite la propriété de la Communauté de Communes Seine Bord puis de la Communauté d’Agglomération Seine-Eure.
Martot est renommé pour ses navets.
Sergenterie : En 1405, Thomas Poignant rendit aveu pour la sergenterie fieffée de Martot, lors de l’invasion de 1410, il refusa de se soumettre aux Anglais qui confisquèrent ses domaines pour les donner à l’un des leurs.
En 1549, Adam Langlois rendit aveu pour la sergenterie de Martot.
Martot : * canton de Pont-de-l’Arche, sur la Seine à 134 mètres d’altitude. *Sol : alluvions contemporaines, craie. * Route départementale n° 12 de Bourgtheroulde à Gournay. * Surface des terres 848 hectares. * Population 309 habitants. * 4 contr. 1948 fr. * Perception et recette Con. Ind. De Pont-de-l’Arche. * Réunion pour le culte et l’instruction à Criquebeuf-sur-Seine. * 2 débits de boissons. * 3 permis de chasse. * Distance en kilomètres au chef lieu de département 27, d’arrondissement 12, de canton 7.
Dépendances : Les Fieffes-Mancelles, Les Quatres-Ages.
Agriculture : Céréales, navets.
Industrie : néant. 4 patentes.
Charpillon L.-E., Caresme Anatole, Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l’Eure, Les Andelys : Delcroix, 1868, 960 p., II, p. 512-514.
REPRODUCTION DES RÉCITS DE M. DEBOOS Maurice,
Conseiller municipal de 1945 à 1959 et maire de 1959 à 1983
Secrétaire de mairie, je me suis occupé du journal trimestriel de la commune et de l’Amicale qui a paru pour la première fois en janvier 1985 et dont le nom était : « Entre Nous » (parution jusqu’en 1989)
Il se trouve que dans les premiers exemplaires figuraient des articles tirés des souvenirs de M. Maurice Deboos ; ils avaient trait à l’Histoire de la commune et à des anecdotes locales.
Il convient donc aujourd’hui que je complète l’Histoire de la commune par ces textes dont, il est vrai, j’avais oublié l’existence.
Combes Jean-Paul
LE BARRAGE ET LA SEINE
En 1864, pour aménager un chenal navigable pour les remorqueurs à vapeur, l’Administration a été contrainte de construire un barrage à Martot, en liaison avec l’écluse de Saint Aubin lès Elbeuf.
Ces deux ouvrages d’art, en coupant la Seine, ont amené une concentration de poissons qui a fait de Martot un lieu de pêche exceptionnel. Le droit de pêche professionnel en Seine, en amont et en aval du barrage était réservé aux inscrits maritimes, ceux-ci étant dans l’obligation de veiller au niveau constant du plan d’eau du barrage, sous la surveillance du barragiste, relié par le téléphone et le télégraphe aux barrages situés en amont.
Le travail consistait à enlever une aiguille sur deux ou sur trois pour éviter la crue du fleuve ; en cas de crue importante on enlevait même toutes les aiguilles.
Un sémaphore était installé à 300 mètres à l’ouest du port de Martot avec 3 disques qui représentaient les trois travées. Celui du centre était placé de manière à indiquer aux remorqueurs que ce passage était libre et qu’ils pouvaient éviter l’écluse de Saint Aubin qui nécessitait une manœuvre assez longue et difficile pour ranger le remorqueur et ses cinq, parfois sept, péniches reliées entre elles par une prolonge de 50 à 60 mètres.
En 1929 débutent de grands travaux d’aménagement de la Seine. Le chenal prévu pour la navigation ne correspondait plus avec la taille et le tonnage des bateaux entre Paris Rouen et le Havre. Un approfondissement était devenu nécessaire ; de plus, sur ce parcours la multitude de barrages nuisait à l’évacuation des eaux lors des crues de la région parisienne ; Le délai de baisse des eaux qui était de 4 jours a été ramené à deux jours après ces travaux. Ils ont commencé avec le reprofilage ou la suppression d’îles. Une partie des résidus du dragage a été employée pour relier les îles entre elles. Le chenal a été approfondi jusqu’à 3 mètres face à Martot pour arriver à 5 mètres à Poses. À partir de ces travaux le lit de la Seine est partagé en 2 : A droite la Seine elle-même et à gauche la rivière l’Eure. De ce fait, l’Eure qui se jetait dans la Seine aux Damps, a été prolongée jusqu’à St Pierre les Elbeuf, vu la nécessité de maintenir le niveau de la nappe phréatique. Ces grands travaux englobaient la construction d’une centrale électrique pour utiliser la force de chute d’eau du barrage de Poses, projet qui n’a pas été réalisé à cette époque mais qui est réapparu en 1985 avec une réalisation en 1991.
- LA PÊCHE
Les professionnels de la pêche avec des lignes de fond prenaient des anguilles avec des filets appelés « seine » ou « senne » et des « éperviers ». En février ils prenaient des éperlans et, au printemps, aloses, carpes, friture et saumons. Ils vendaient leurs produits à Martot, Saint Pierre lès Elbeuf, Caudebec lès Elbeuf et prenaient le train à Elbeuf pour aller soit aux Halles de Rouen , soit présenter aux grands hôtels, comme « La Couronne » et « La Poste » leurs produits exceptionnels (Aloses et saumons).
- LES LIEUX-DITS
Un lieu-dit appelé « Maison aux chevaux » était situé à 200 mètres à l’est du port, face à l’île du courant. Les vestiges de cette maison existaient encore avant le remembrement de 1960. A l’ouest du port, au lieu-dit « Le Clos du Bec, un terrain en surélévation porte encore les traces de vestiges d’un monastère qui abritait des moines dépendant de l’abbaye du Bec Hellouin ; ces moines cultivaient la vigne sur la colline de Freneuse. Toujours en suivant le chemin de halage, à l’ouest on trouve un lieu-dit « Le disque » à cause du sémaphore dont il est fait état dans l’histoire du barrage. A l’endroit où le chemin de halage joint la voie Maine (prolongement de l’actuelle rue du barrage) se trouve un lieu appelé « quai aux tuiles » : les fabricants de tuiles de La Haye Malherbe y venaient en empruntant la rue aux Thuiliers à Saint Pierre pour embarquer leurs productions. Cet endroit était aussi utilisé pour embarquer du bois de mine provenant de la forêt de Bord ; pendant la guerre de 1914/1918, ce bois était utilisé sur le front pour construire des sapes et des abris.
- LA CRUE DE LA SEINE EN 1910 ET LE PASSAGE DE LA COMÈTE
La crue de la Seine l’hiver 1910 provoqua l’inondation d’un tiers du village de Martot. L’eau arrivait à la petite porte de l’habitation de Monsieur Cartier. Des madriers posés sur des tréteaux permettaient d’accéder au bureau de tabac.
L’eau franchissait la route de Pont de l’arche à Elbeuf pour se déverses dans la mare du Château et cette eau sourçait dans le fossé sud de cette propriété.
À cause de l’eau qui « sourçait » dans les caves, mes parents ont été obligés de remonter les pommes de terre qui y étaient entreposées. Au cours de ce travail, dans la soirée, nous avons vu dans le ciel un spectacle inoubliable : une comète, boule lumineuse suivie d’une très longue queue ; ce phénomène se dirigeait d’ouest en est. Cette comète qui se nomme « Halley » , après une éclipse de 76 ans revient d’actualité et son prochain passage est prévu pour mars 1986.
Note : En janvier 1910 est passée une grande comète mais la comète de Halley, la même année, n’a été visible en Europe qu’au printemps. (Wikipédia)
CONSEQUENCES DE LA CONSTRUCTION DE L’EGLISE
Après la construction de l’église, maître Jacques constata que cette construction réduisait le champ visuel de sa maison. Dans le but de rendre le même préjudice au châtelain, il fit bâtir une maison au nord du village, face au château. Cette construction, maison de M. Barbier, a détérioré le panorama que le châtelain avait vers Freneuse.
LE CHÂTEAU
A l’époque de la vie fastueuse du château, sur la façade du bâtiment qui abritait les chevaux et les voitures (bâtiment en briques), un cheval blanc était représenté en relief, surmonté d’une horloge qui sonnait les heures. En entendant la sonnerie de l’horloge du cheval blanc, les paysans apprenaient que la journée était terminée et qu’il était l’heure d’aller à la soupe.
En 1870-1871, au cours de l’occupation de la France par l’armée allemande, l’activité était interrompue. Le châtelain, pour venir en aide aux habitants de la commune , fit construire des brouettes et versa un franc par jour aux habitants de la commune pour creuser la mare. Avec la terre enlevée, il créa un monticule qui portait le nom de Butte du Tertre. (disparu aujourd’hui). L’alimentation en eau de la mare était tributaire de la nappe phréatique.
LE THÉÂTRE
Dans le parc, Monsieur Grandin de l’Eprevier, industriel à Elbeuf et propriétaire du château de Martot et maire de la commune a fait construire un théâtre. Pour les représentations, il faisait venir des actrices de Paris qui s’habillaient en costumes de théâtre au château avant de se rendre sur scène, protégées par un couloir de planches qui reliait le Château au théâtre. Il faisait aussi tirer des feux d’artifice auxquels assistaient beaucoup de personnes
ANECDOTES DE LA GUERRE
Aviateur Au cours de la guerre 1914-1918, le château abritait une personne accueillante qu’un aviateur connaissait bien ; aussi son appareil avait toujours une défaillance au-dessus de Martot. Un terrain situé près du « petit mont », à l’est de l’actuel lotissement Saint Aignan, était propice à l’atterrissage d’un avion. Durant les quelques jours de réception du pilote au château, les soldats anglais stationnés à Pont de l’Arche réparaient la soi-disant panne. Les soldats français en garnison à Elbeuf montaient la garde autour de l’avion. Beaucoup de curieux se pressaient pour voir décoller l’avion.
Poste de garde : Au début de la guerre 1914-1918, un poste de garde était établi au carrefour de l’église. Une guérite était accolée à un gros orme auquel était fixée une chaîne qui, à son extrémité, était attachée à la grille du château, coupant ainsi la route de Pont de l’Arche à Elbeuf.
Ce poste était gardé par des hommes âgés qui avaient comme armes des fusils de chasse. Une nuit, ils ont vu sur la colline de Freneuse une voiture d’allemands dont la mission était de faire sauter le pont de chemin de fer d’Oissel. Leur projet a échoué et ils ont été arrêtés le lendemain dans la forêt de Lyons.
ELECTRICITÉ
En 1920, une ligne électrique supportée par des poteaux en bois reliait le transformateur de Caudebec à la Compagnie l’Andelysienne. Cette ligne traversait en diagonale la place de l’église pour rejoindre le chemin des forrières puis Pont de l’Arche par le bord de Seine
Quelques années plus tard, Monsieur Saget, industriel, réfugié du Nord qui habitait avec sa famille le Château, a décidé de financer la construction d’un transformateur pour bénéficier de l’électricité. Ce transformateur alimenta en courant électrique non seulement le Château mais également la commune, qui par cette réalisation devin en 1922 une des premières communes rurales à être électrifiée.
LE VILLAGE
- BAS DE MARTOT
La partie nord (au nord de la route Elbeuf-Pont de l’Arche) était appelé « Bas de Martot ». Elle comportait une ancienne bâtisse qui s’appelait « grange de la dîme ». La dîme était un impôt valant un dixième des récoltes que l’on payait à l’église ou au seigneur.
Dans la propriété actuelle de M. Deboos Michel, au 5 rue de l’Eure, existait une éolienne qui pompait l’eau et l’élevait dans un réservoir de 6 m3 situé à 5 mètres de hauteur.
Face à l’église actuelle, on a trouvé les vestiges d’un ancien cimetière : au cours de travaux réalisés par M. Meslin en 1930 puis en 1975 lors des travaux d’assainissement, ont été découverts de nombreux ossements humains.
- HAUT DE MARTOT
La première école du village se trouvait dans une partie du logement de M. Jean-Jacques Labiffe au 10 rue de la mairie avant que la commune ne décide de construire l’école actuelle terminée en 1883 – 1884.
Une belle résidence se situait au 14 rue de la mairie. Son propriétaire, M. Bourdon, était l’ascendant de beaucoup d’industriels d’Elbeuf. Cette propriété avait une sonnette que les enfants tiraient au grand désespoir du gardien, le père Victor
Il y avait à Martot deux métiers à tisser : un dans le logement de Mme Verrier, l’autre dans la cour de M. André Picard, 30 rue de la mairie. Les tisserands façonniers transportaient les pièces de drap qu’ils avaient tissées à Elbeuf avec une brouette à tête ? (On peut supposer qu’il s’agit d’une brouette avec une partie surélevée qui permettait de poser les pièces de drap).
Le village se terminait par une maison de garde et les 2 cimetières, dont un ancien, plus utilisé.
En 1910, sortant du village vers la forêt, on passait sous une magnifique avenue, large de 16 mètres, bordée de sapins et peupliers. A la suite on rencontrait un arbre énorme appelé « le gros hêtre », puis venaient les bosquets appelés « les carrés » à cause de leurs divisions rectilignes ; à la sortie de ces bosquets se trouvait un chêne qui avait plusieurs troncs : cet arbre était classé. Vers l’Est, existait une parcelle de bois appelée « La Piste » à cause du tracé de piste pour les courses de chevaux. En continuant, entre deux rangées de pommiers, on parvenait à la ferme des Fiefs, dans l’enceinte de laquelle a été construit par M. Guérot, un beau pavillon de chasse.
VIE À MARTOT ET ANECDOTES
- DANS LES FERMES
Au cours de la période comprise entre la guerre de 1870 et la fin de la guerre 1914/1918, on peut affirmer que les paysans vivaient en économie fermée, car ils produisaient leurs légumes, une partie de la viande qu’ils consommaient, leur lait, leur boisson.
Dans chaque ferme il y avait un cheval ou deux pour le travail, plusieurs vaches pour le lait dont une partie était cédée aux familles d’ouvriers, le surplus étant collecté tous les jours par deux laitières mesdames Frieux et Devidal qui en faisaient la répartition à Caudebec et Elbeuf.
Avant la guerre de 1914/1918, on ne produisait que de gros légumes : pommes de terre, carottes, oignons, haricots mange-tout et à écosser, petits pois et les navets qui ont fait la renommée de Martot
A Criquebeuf, mon grand-père Louis Simon Deboos a été le promoteur de la culture des asperges. Messieurs Leloup Portais-Cervin et mon père ont adapté cette culture aux terres de Martot après la guerre de 1914/1918. La culture des poireaux et des choux de Bruxelles a débuté et a permis d’améliorer la vie des paysans.
Dans les cours de ferme, l’élevage de volailles en liberté procurait des œufs ; toutes les familles avaient un clapier qui procurait une importante quantité de viande fraîche ; deux marchands achetaient les peaux de lapins et les livraient à l’usine d’Elbeuf.
Les porcs fournissaient la plus grande quantité de viande ; ils étaient nourris avec les eaux grasses, des pommes de terre et de la mouture. Au moins une fois dans l’année, des tueurs professionnels venaient chez les particuliers pour tuer le cochon ce qui était l’occasion d’une grande fête de famille qu’on appelait « La Saint Cochon ».
- COUTUMES ET USAGES VERS 1910
A cette époque, 25 exploitations agricoles petites et moyennes existaient dans le village. Les membres de la famille travaillaient à la ferme avec l’aide d’un ouvrier, parfois deux, et, occasionnellement, des tâcherons.
Une grande partie des ouvriers et ouvrières étaient employés dans les filatures et les usines de tissage d’Elbeuf.
Deux boulanger de Criquebeuf, Mme Deboos et M. Bernier, et un de Saint Pierre lès Elbeuf, M. Leconte, livraient du pain tous les jours ; Un boucher, M. Parquier, ouvrait boutique une fois par semaine en plus de ses tournées, ainsi qu’un charcutier, M. Duboc. Deux épiceries café étaient ouvertes tous les jours pour approvisionner les habitants en denrées qui n’étaient pas produites dans la commune. Dans le haut du pays, un artisan bourrelier réparait les harnais des chevaux. Le facteur venait de Pont de l’Arche et effectuait sa tournée à pied.
Alternativement, les jours de semaine, M. Bigot, la mère Maille, puis Mme Popinelle proposaient avec leur « voiture-magasin » des articles de mercerie, de lingerie et des vêtements de travail. Le père Gaillard de Criquebeuf, en revenant des halles d’Elbeuf avec son petit cheval attelé à une « baladeuse », vendait du poisson de mer. Son épouse , elle-même mère de famille nombreuse, était connue pour l’aide qu’elle apportait aux femmes qui donnaient naissance à un enfant ; à cette époque, cet événement avait lieu au domicile de la patiente.
Le père Aubé, de Quatre Ages soignait les foulures et les entorses. Pour les petits ennuis de santé, on avait recours :
– Pour le mal de gorge au lait sucré avec du miel
– Pour la toux la tisane à la bourrache
– Pour la purge à l’huile de ricin
– Pour devenir robuste à l’huile de foie de morue
– Pour se débarrasser des humeurs à des vésicatoires (cataplasmes).
Pour les maladies graves, quatre docteurs d’Elbeuf MM Gosselin, Moutel, Grellet et Bocage se rendaient au domicile des patients. Ils délivraient une ordonnance sur laquelle étaient mentionnés, au gramme près, les ingrédients qui devaient composer la potion ou les onguents ; cette préparation demandait un assez long travail au préparateur en pharmacie. Je me souviens des très longues attentes en 1918 à la pharmacie, pendant la terrible épidémie de grippe espagnole qui fit tant de victimes.
- SOUVENIRS DE L’ÉCOLE
L’école, construite en 1883-1884 accueillait côté sud, les garçons et, côté nord, les filles. Les entrées étaient distinctes et, même dans la classe unique, les garçons et les filles étaient séparés. Face au bureau de Monsieur Touzé, une allée centrale avec un calorifère. Parfois les élèves qui n’étaient pas sages étaient placés, en punition, sous le bureau du maître. Monsieur Tragin devint maître avant la guerre de 1914. La distribution solennelle des prix au 14 juillet était toujours une belle fête.
- SOUVENIRS DE L’ÉGLISE
A cette époque beaucoup de personnes étaient pauvres et lorsque l’hiver avait été dur, le curé retardait la date du jour de la première communion, dans l’attente que les goussets soient regarnis par la vente des petits pois.
Le responsable de l’église était l’abbé Guilbert qui venait de Criquebeuf à pied dire la messe à Martot, accompagné de M. Fréret, musicien, surnommé le « Père Pataud » qui jouait d’un instrument en accord avec Monsieur Cartier, chantre.
Ayant été moi-même enfant de chœur, je me souviens que le mercredi des Rogations une procession prenait le départ de l’église à 6 heures du matin pour passer devant le calvaire, prendre la route de Quatre Âges, la sente galopin, puis derrière le château pour revenir par la rue du village. Durant le parcours, les participants récitaient la litanie des saints pour implorer la protection céleste pour leur personne, leurs biens et leurs récoltes. Après la messe qui suivait, monsieur Félix Deboos apportait à la sacristie un panier avec du pain, du cidre, du café que le clergé et les charitons (sans oublier les enfants de chœur) dégustaient dans la gaieté et la bonne humeur.
- LA FOUDRE
En 1910, un très violent orage s’abat sur Martot et tue 2 personnes et un cheval : une habitation est en cours de construction ; les maçons viennent à pied d’Elbeuf et les matériaux de construction sont transportés dans des tombereaux de l’entreprise Mouquin. Au moment où l’orage menaçait, un maçon demande au conducteur d’un de ces véhicules s’il peut le prendre pour repartir à Elbeuf. Les 2 hommes, abrités sous un parapluie prennent la route et, arrivés devant l’embranchement avec la rue de la Garenne, ils sont foudroyés ainsi que le cheval.
Le même après-midi, M. Valentin Hédouin s’était abrité sous un grand chêne face au cheval blanc (parc du château). A peine l’avait-il quitté que la foudre éclata le gros arbre avant de traverser la rue pour faire un trou dans le muret du château.
Un jour d’orage, la famille et les ouvriers de M. Deboos Raymond étaient assis autour de la table dans la cuisine. La foudre est tombée dans la cheminée après avoir brûlé les andouilles qui étaient à cet endroit pour saurir ; la boule de feu est passée entre les jambes des personnes avant de repartir vers le haut de la porte sans faire d’autres dégâts que la peur qu’elle avait causée.
- INVENTION ET AVENTURE D’UN HABITANT DE MARTOT
En 1858, les propriétés Levasseur et Chéron Pierre formaient une cour de ferme. Le propriétaire, Monsieur Huet était un chercheur qui avait trouvé une variété de blé qui, par sa précocité, convenait mieux au sol aride de Martot.
Comme ce monsieur ne voulait pas se lever de bonne heure pour donner le fourrage à son cheval, il avait installé, dans le grenier, une trappe au-dessus du râtelier de son cheval, avec une horloge agencée d’un couteau qui libérait le fourrage à cinq heures du matin.
Monsieur Huet avait l’esprit occupé par ses recherches : ses pensées étaient parfois ailleurs qu’à son travail. Conduisant toujours son cheval par la longe, il lui arriva l’aventure suivante : un jour il partait avec son cheval et sa charrue et, en traversant la grande route, la charrue s’est décrochée et est restée sur place ; Il ne s’est rendu compte que sur le lieu de son travail au lieu-dit Saint Nicolas de l’aventure qui lui arrivait.
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